Quand l'amour se brise, les mythes surgissent
Pour surmonter la rupture, réfuter les mythes qui prolongent la souffrance
« Sans lui, je ne suis plus rien! »
« Jamais je ne revivrai un tel amour. C’était mon âme sœur. »
« C’est ma faute! Je ne sais pas me faire aimer. »
Au fil des ans, j’ai entendu de nombreuses patientes pousser ce genre de cris du cœur. La rupture d’une relation amoureuse est une expérience douloureuse et bouleversante, une avalanche de sentiments et d’idées souvent contradictoires. Ce flot contient des croyances issues de mythes dangereux qui nuisent à toute démarche réparatrice. Car les nombreux mythes qui entourent la rupture compliquent la manière dont nous la vivons et tentons de la surmonter. Comprendre ces mythes et les réfuter à l’aide des faits est crucial pour retrouver l’équilibre et se reconstruire sainement.
Voici quelques-uns de ces mythes, répartis sous trois thèmes : identité, unicité, et échec personnel. L’identité définit chaque être et son estime de soi. Je préciserai en quoi elle n’est pas détruite lors d’une rupture, mais plutôt ébranlée. Dans les relations humaines, l’unicité existe rarement, comme je vais l’expliquer. Quant à l’échec personnel, il est illusoire : quand une relation prend fin, chaque être tend à s’attribuer des torts, la plupart du temps non fondés.
La description des mythes est suivie de l’analyse qui permet d’en relativiser l’emprise et de s’en libérer.
Le mythe de la perte identitaire : « la rupture m’a démolie! »
#footnoteCe mythe, le plus dangereux, affirme qu’une rupture nous arrache une part de notre identité, et même la démolit complètement. C’est un cri du cœur que j’ai souvent entendu dans ma pratique : « la rupture m’a enlevé une partie de moi », ou pire « depuis son départ, je ne suis plus rien! » Le mythe repose sur l’idée que notre existence et notre valeur dépendent entièrement de la relation amoureuse, comme s’il nous manquait quelque chose avant elle, qu’elle comblait un vide. Pourtant, le lien amoureux ne nous donne pas une nouvelle valeur : il permet seulement de faire ressortir des aspects de notre être qui en faisaient déjà partie.
Nos ressources sont toujours présentes, même si elles semblent loin. Notre identité possède encore richesse et complexité. La rupture fournit l’occasion de redécouvrir qui nous sommes réellement et de construire une identité plus solide et autonome.[1]
Le mythe de l’unicité de la relation : « c’était l’amour de ma vie! »
#footnoteAprès une rupture, nombre de personnes me disent « ce que nous avons vécu est irremplaçable ». Selon elles, rien ne sera plus à la hauteur de leur vécu. « C’était mon âme sœur! Jamais je ne revivrai ça. » C’est une façon erronée de donner du sens à la souffrance : « si ça fait si mal, c’est parce que c’était unique », comme s’il s’agissait de la relation idéale. Mais cette notion nous nuit. Chaque relation est différente, mais aucune n’est la seule capable d’apporter de l’affection et du sens. D’autres liens pourront naître, sans que cela efface le vécu des ex-partenaires.
Issu de l’antique concept de Platon[2], le mythe de l’âme sœur renforce celui de l’unicité d’une relation, selon l’idée que chaque personne possède une seule âme sœur, qui lui est prédestinée. Cela nourrit l’illusion que la rupture signe la fin de tout espoir d’amour et de bonheur. Dans les faits, l’amour prend de nombreuses formes, et plusieurs relations deviennent significatives tout au long de la vie.
Le mythe de l’échec personnel : « je n’arrive pas à rester en couple. »
Beaucoup de gens considèrent la rupture comme un échec personnel, comme une preuve de leur manque de valeur ou de leur incapacité à maintenir une relation. J’ai souvent entendu des constats comme « je ne suis pas capable de vivre avec quelqu’un! » Cette perception négative entretient la faible estime[3] de soi et la culpabilité excessive. De plus, après une séparation, si l’on cherche à tout analyser (« Pourquoi c’est arrivé? Qu’est-ce que l’autre ressentait vraiment? ») on peine à trouver toutes les réponses. On se dit que la douleur s’arrêtera, alors que ça la maintient plus vive, ce qui accroît le sentiment d’échec personnel. Dans bien des cas, on reste sans explication claire. Accepter ce qu’on comprend mal permet de lâcher prise, de cesser de s’en vouloir et de commencer à se réparer.
L’idée qu’une nouvelle relation peut effacer rapidement la douleur d’une rupture constitue cependant un autre mythe dangereux. On a l’impression de franchir une étape positive, sans avoir accompli le travail sur soi qui permet d’avancer. Il est crucial de prendre le temps de rétablir l’équilibre et de reprendre confiance avant de s’engager dans une nouvelle relation.
Les faits que la psychologie oppose aux mythes de la rupture
La psychologie moderne met en lumière la résilience humaine face à la rupture. Si certaines études montrent que la plupart des individus surmontent l’épreuve, elles constatent que le processus prend du temps et nécessite un travail sur soi. Les psychologues soulignent l’importance du deuil de la relation, de l’acceptation de la situation et du déploiement de mécanismes d’adaptation[4]. Ce processus individuel varie en fonction de la personnalité, du contexte de la relation et des ressources personnelles. Ainsi, un lien direct existe entre les traumatismes vécus pendant l’enfance et la capacité d’un individu de surmonter une rupture[5]. Il faut aussi retenir que la douleur est une étape normale du processus de deuil (voir l’article sur ce sujet).
Échapper à l’influence des mythes
Pour éviter dae tomber dans le piège des mythes sur la rupture, il est essentiel de cultiver une conscience de soi et de travailler sur son estime. Voici quelques pistes :
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Accepter la rupture. Le premier pas vers le mieux-être est l’acceptation de la fin de la relation. Il importe de reconnaître la douleur et de lui laisser l’espace nécessaire, sans pour autant s’y enfermer.
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Travailler sur l’estime de soi. Renforcer son estime de soi est crucial pour surmonter la rupture. Il s’agit de se reconnecter à ses valeurs, à ses passions et à ses objectifs personnels, indépendamment de la relation amoureuse.
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Se concentrer sur soi. Prendre soin de soi est primordial : alimentation équilibrée, exercice physique, sommeil réparateur, temps pour les loisirs et les activités qui nous font plaisir. Le développement personnel permet de se reconstruire et de s’épanouir.
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Solliciter un soutien. Parler à des proches, à un thérapeute ou à un groupe de soutien s’avère bénéfique. Le partage de l’expérience permet d’en relativiser les effets et de recevoir du soutien émotionnel.
En somme, les mythes liés à la rupture peuvent aggraver la souffrance et retarder la quête d’équilibre. En comprenant les faits et en travaillant sur soi, il est possible de surmonter cette épreuve et d’en sortir grandi, avec une meilleure intelligence de soi et une plus grande autonomie émotionnelle.
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[1] Selon Paul Ricœur dans Soi-même comme un autre (Seuil, 1990), « la perte identitaire » ne correspond pas à une perte totale de soi, mais plutôt à une transformation de l’identité personnelle.
[2] Dans Le Banquet, écrit aux alentours de 380 av. J.-C., Platon attribue à Aristophane le récit des âmes sœurs, qui explique l’origine de l’attirance amoureuse.
[3] Selon les travaux de M. Covington, de l’UCLA, la hantise de l’échec reflète un manque d’estime de soi.
[4] Selon Jean Monbourquette, la détresse qui suit la rupture amoureuse ressemble étrangement à celle ressentie lors du processus de deuil.
[5] Juliette Barolet (UdM, 2021) a étudié les liens entre les traumatismes de l’enfance et la résilience post-rupture.
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